Le déni de la souffrance psychique.

Déni, refoulement, répression : des mécanismes de défense inconscients.

La répression, le refoulement et le déni sont des mécanismes de fuite psychique.

Le déni :

Le déni est une réponse aux conflits et aux stress « en refusant de reconnaître certains aspects douloureux de la réalité externe ou de l’expérience subjective qui seraient évidents pour les autres » (DSM-IV).
Cette définition recouvre la réalité psychique et la réalité externe.
Le déni est l’exclusion active et inconsciente de certaines informations hors de l’attention focale.

Le dĂ©ni fait partie des activitĂ©s de repoussement, qui visent Ă  rejeter hors du champs du moi, hors mĂŞme du champ de la psychĂ©, des donnĂ©es qui menacent d’y entrer ou bien d’y rester.
Le repoussement tend Ă  procĂ©der par sĂ©paration (coupure et clivage) d’avec la psychĂ©.
Il tend Ă  dĂ©truire et fabrique de l’in-advenu :
– Le dĂ©ni travaille Ă  coups de hache Ă  l’encontre du sens du rĂ©el, il dĂ©figure. Il porte sur l’existence mĂŞme des gens, des pensĂ©es et des choses, il a affaire avec leur rĂ©alitĂ©.
– L’opĂ©ration du dĂ©ni n’est pas limitĂ©e au registre psychique : elle dĂ©borde sur l’agir. Le dĂ©ni fait agir – agir le sujet lui-mĂŞme, et agir les personnes de son entourage immĂ©diat, lui aussi, Ă  son tour, mobilisĂ© par la pression du faire-agir.

Le refoulement :

Le refoulement expulse « de la conscience des désirs, des pensées ou des expériences perturbantes. La composante affective peut rester consciente mais détachée des représentations qui lui sont associées » (DSM-IV).
L’affect peut être déplacé, isolé ou refoulé.

Le refoulement enfouit, mais il conserve : ce qui est refoulé reste dans la psyché.
Le refoulement procède par sĂ©paration de l’affect et de sa reprĂ©sentation (pensĂ©e associĂ©e Ă  l’affect) au sein de la psychĂ©.
Il vise Ă  conserver et produit de l’inconscient.

La répression :

La répression est une réponse aux conflits et stress « en évitant délibérément de penser à des problèmes, des désirs, des sentiments ou des expériences pénibles » (DSM-IV).
Ces éléments perturbants sont écartés dans le préconscient et restent accessibles.
La répression peut être assimilée à un oubli réversible et fonctionnel.

Il s’agit d’une « occultation » consciente et volontaire de ce qui nous fait souffrir.

déni de la souffrance
L’occultation de la souffrance.
Photo by Eberhard Grossgasteiger.

 

Facteurs individuels et sociétaux favorisants le mécanisme de fuite :

Le mĂ©canisme d’Ă©vitement donne Ă  l’ĂŞtre humain l’impression qu’il peut parvenir Ă  ne plus ressentir la souffrance, qu’il peut rĂ©ussir Ă  l’Ă©loigner loin de lui.

De plus, on nous demande sans cesse d’ « avancer ». Il faut « positiver », « tenir », « se battre », « avoir du mental », … etc.
Autrement dit, on demande aux personnes de « fermer les yeux » sur ce qui leur fait mal. Cela favorise « la mise au placard » de la souffrance.
Ainsi, certains patients expriment « avoir enfoui » ce qui les fait souffrir. Ils disent, par exemple, avoir mis « dans une boîte », « dans une autre pièce » ou encore « sous le tapis » leur souffrance.

Aussi, l’idĂ©e (erronĂ©e) qu’il s’agit d’une question de volontĂ© pour vaincre la souffrance psychique est très prĂ©sente.
On renvoie parfois aux personnes que c’est « dans leur tête », comme si leur souffrance n’était pas réelle.
Le problème est que les blessures psychiques ne sont pas visibles, contrairement aux blessures corporelles. Mais ce n’est pas parce qu’une blessure ne se voit pas, qu’il faut la considĂ©rer comme Ă©tant imaginaire.

Ou encore, certaines personnes ont une vision fataliste de la pathologie mentale.
Elles croient qu’il ne s’agit que de neurobiologie prĂ©dĂ©terminĂ©e et fixĂ©e et, qu’en consĂ©quence, « on ne peut rien y faire ».
Certes des facteurs biologiques et génétiques entrent en jeu, mais ceux-ci ne doivent pas empêcher la prise en considération de la part émotionnelle du problème.

 

Le risque, en voulant avancer trop vite, c’est de se mettre à « tourner en rond ».

En effet, des patients expriment l’impression d’ĂŞtre prisonniers, d’ĂŞtre comme attachĂ©s Ă  des chaĂ®nes dont ils ne parviennent pas Ă  se libĂ©rer.

Ce que nous pouvons observer, c’est qu’une souffrance légitime mais refusée, « rangée au placard », a tendance à revenir, tel un retour de boomerang qu’on aurait voulu envoyer au loin, sous forme « déguisée ».

Le déguisement de la souffrance peut prendre la forme de répétitions de scénarios indésirables de vie, ou bien de symptômes psychiatriques et donc de « la maladie mentale ».
Ce dĂ©guisement peut aussi prendre la forme de symptĂ´mes physiques, voire d’une maladie organique. Il s’agit du cas oĂą la souffrance psychique s’exprime par le corps.
Les symptĂ´mes peuvent ĂŞtre l’indice d’une blessure chez la personne elle-mĂŞme ou chez un de ses proches. La problĂ©matique transgĂ©nĂ©rationnelle concerne les cas oĂą un symptĂ´me chez une personne traduit une souffrance – actuelle ou passĂ©e – chez un de ses ascendants.

Ainsi, plus nous résistons contre la souffrance, plus celle-ci risque de s’imposer avec force.
Tandis que lorsque nous acceptons de la reconnaître, celle-ci finit par s’apaiser, et ainsi nous libérer.